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Trois mois sous silence

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C’est le temps de silence que s’imposent les futurs parents avant d’annoncer une future naissance. En effet, pendant cette période le risque de fausse couche n’est pas négligeable, puisqu’elle concerne 1 cas sur 4.

C’est donc par précaution, et aussi par peur de discrimination, que les parents s’imposent ce silence, d’autant qu’administrativement il n’est pas obligatoire de déclarer la grossesse dès le début. Cela permet pourtant à des femmes travaillant dans des environnements potentiellement toxiques (chimie, nucléaire) d’obtenir un changement de poste.  Les femmes déclarent leur grossesse généralement quand elles sont « sûres », soit après l’échographie du 1er trimestre et la 12ème semaine d’aménorrhée.

Ce titre est aussi celui d’un livre, que nous avons emprunté à Judith Aquien : « Trois mois sous silence – Le tabou de la condition des femmes en début de grossesse », préface de Camille Froidevaux-Metterie, paru chez Payot en 2021.

Ce livre a eu le mérite de mettre ce sujet sur la place publique, car comme le dit l’auteure : « Ce n’est pas parce que cela ne se voit pas que cela ne se vit pas ». Judith Aquien souligne que le premier trimestre est souvent le plus difficile à vivre physiquement : nausées fréquentes et grosse fatigue. Elle raconte que c’est souvent un sujet de plaisanteries entre femmes : « Toi aussi tu allais dormir sur le siège des toilettes ? ». Elle trouve cela peu risible et surtout pathétique. Mais ce silence ne permet pas de négocier des aménagements de travail, comme le télétravail par exemple. La peur d’être prise de vomissements pendant les transports ou sur le lieu de travail peut amener à prendre des congés maladie, dont on pourrait faire l’économie. Idem pour la fatigue, pour laquelle on pourrait peut-être aussi envisager des lieux de repos dans une pièce inoccupée.

La fausse couche concerne 200 000 femmes par an en France, soit 10% d’entre elles.  C’est un chiffre important et aussi un drame pour les femmes qui pensaient porter la vie, et pour leur compagnon/compagne qui se projetait également dans une parentalité qu’il/elle pensait incarnée. Judith Aquien insiste sur le fait qu’une femme ne « fait » pas une fausse couche, comme on a tendance à le dire, mais elle la subit.

Physiquement, la fausse couche s’accompagne de fortes douleurs liées à l’« expulsion » de l’embryon, et peut parfois relever d’une intervention médicale. Tout cela représente une épreuve physique et psychologique très lourde. La fausse couche ayant le plus souvent lieu pendant le 1er trimestre de grossesse, que les individus annoncent rarement, elle passe souvent inaperçue sur le lieu du travail, or c’est un deuil qu’il est important de savoir accompagner.

Et il se trouve que :

  • En France, pour une fausse couche survenant avant 22 semaines d’aménorrhée (l’aménorrhée est la période à laquelle remontent les dernières menstruations de la femme qui porte l’embryon), rien n’est prévu. L’employée peut se voir prescrire un arrêt maladie par son médecin.
  • Après la 22ème semaine, le congé maternité est octroyé.

Judith Aquien a aussi avec 3 autres femmes, Selma El Mouissi, Isma Lassouani, Clémence Pagnon, écrit le Guide « Parental challenge », téléchargeable en ligne. Nous nous permettons d’en reprendre les propositions, tout en vous encourageant à aller le consulter pour plus d’informations.

5 actions concrètes

  • Proposer un congé rémunéré à 100% de 3 jours pour le-la salarié-e (que ce dernier soit la femme qui était enceinte ou le second parent). Si l’employé-e le refuse, ne pas insister : chacun-e a sa manière de dépasser cette expérience douloureuse, certain-es par le travail, d’autres par le repos.
  • Exprimer de la sollicitude sans jamais inciter à aller de l’avant : on est dans le temps du deuil, absolument pas dans la projection de l’après. C’est aux personnes concernées (qui se projetaient dans la parentalité) qu’il revient de savoir quand le deuil est fait.
  • Proposer le télétravail les jours qui suivent le congé (aussi bien à la femme qui était enceinte, qu’au second parent) – l’expulsion de l’embryon pouvant avoir lieu sur plusieurs jours et étant parfois très douloureuse, nécessitant aussi la présence du second parent.
  • Suggérer de trouver de l’aide auprès d’associations qui organisent des groupes de parole et fils d’écoute (cette ressource est très peu connue, y compris des médecins : vous pouvez vous en faire le relais). L’association AGAPA fait un travail formidable dans ce sens et dispose d’antennes dans diverses régions de France.  Elle fait aussi des réunions en visio et n’hésite pas si besoin à communiquer par mail, téléphone ou skype.

La députée écologiste Paule Forteza a déposé fin mars un projet de loi qui propose entre autres un congé de 3 jours pour les parents qui traversent cette épreuve.

Récemment, les organisations syndicales & patronales de la convention collective SYNTEC ont signé un accord pour la mise en place d’un congé de 2 jours en cas de fausse couche.

Troisième trimestre de la grossesse

Si le milieu de la grossesse est, pour la plupart des femmes, facilement conciliable avec la vie professionnelle, la fin de la grossesse est une période durant laquelle les femmes sont très incommodées par leur corps, retrouvent des symptômes pénibles (aigreurs d’estomac douloureuses, mal au dos) et ont de plus en plus de mal à se déplacer.

À cela s’ajoute l’angoisse d’avoir fini tous les dossiers en cours avant le départ en congé maternité et d’anticiper (déjà) le retour au travail.

Pour 10% des femmes, la fin de grossesse se vit alitée, en raison des menaces d’accouchements prématurés. Grâce aux confinements, les femmes enceintes ont pu télé-travailler et se ménager ainsi physiquement. Cela a entraîné une baisse de 20% des naissances prématurées en France et même de 90% au Danemark. Ce chiffre considérable donne à réfléchir.

3 actions concrètes

  • Autoriser (et encourager) le second parent à se rendre à l’ensemble des examens obligatoires, et rémunérer ce temps.
  • Rappeler clairement leurs droits aux salarié-es.
  • Proposer aux employées un retour au télétravail complet les 12 semaines qui précèdent le congé maternité pour s’épargner les transports et pouvoir travailler dans une posture confortable chez elles.

Consulter aussi le Guide de la parentalité édité par le Cercle InterElles.

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