Lu pour vous

Comment être boss… sans être garce ? Caitlin Friedman, Kimberly Yorio

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C’est le titre du livre de Caitlin Friedman et Kimberly Yorio (Marabout, 2007) qui tente de répondre à une question souvent posée.

 Qu’en retenir ? D’abord un témoignage, celui de Linda Brierty, psychothérapeute : « Dans une entreprise, une femme qui se comporte comme ses collègues masculins est souvent mal perçue. Lorsqu’elle s’affirme ou qu’elle s’impose, elle est cataloguée comme étant dure. Et si elle est efficace, énergique et ne montre pas ses émotions, on dit qu’elle est froide. (…) Tout d’abord souvenez-vous que vous n’êtes plus au lycée, où l’enjeu était d’avoir le plus de copines possibles. Il ne s’agit pas d’être aimé à tout prix, même si un bon relationnel est extrêmement important. (…) Menez un dialogue intérieur destiné à vous soutenir. Faites taire les « critiques intérieures » et aimez-vous. (…) Il n’y a pas de mal à s’aimer, à s’encourager – sachez que ce n’est pas un péché mortel de vanité. »

Ce petit livre nous donne des conseils pratiques sur l’art et la manière du management qui est difficile pour tous, hommes et femmes et que l’on ne découvre généralement que par essais et erreurs. Mais pourquoi ce souci des femmes de ne pas être une garce ? Les auteures nous rappellent des données de base : en tant que manager vous allez recruter, renvoyer, évaluer, et promouvoir. Or disent-elles « le leadership implique une relation entre deux individus : l’un dirige, l’autre suit ».

Rien de plus opposé à la culture pseudo-égalitaire des groupes de petites filles. Souvenons-nous de Deborah Tannen : « Tu ne ramèneras pas ta fraise », le credo des cours de récréation au féminin ! Et là, brusquement on devient celle qui tranche, qui décide, qui dirige. Que d’interrogations en perspective ! Les hommes aussi doivent improviser. Mais, dans leurs groupes, être un chef était valorisé et accepté.

 

Trois écueils

 Elles désignent néanmoins  trois écueils communs à nombre de femmes et à éviter à tout prix:

  • Copiner : nous voulons être aimées. Ce n’est pas à l’ordre du jour. Nous avons des amies à l’extérieur pour cela, une famille, etc. C’est le copinage qui fera de nous une garce, quand après avoir tissé des liens non professionnels, nous devrons prendre des décisions difficiles concernant la même personne. Comment dans ce cas rappeler à l’ordre, évaluer, sanctionner ? Comment ne pas être soupçonnée de nous servir de ce que nous savons de non professionnel pour prendre nos décisions ?
  • Laisser passer son manque d’assurance : nous n’avons pas l’habitude de frimer, nous posons des questions quand nous ne comprenons pas et nous exprimons facilement nos doutes. C’est parfois un avantage à l’intérieur d’un groupe, quand les hommes ne posent pas de questions. Nous débloquons la situation pour tous. Ce n’est plus possible : « Gardez cela pour vous. Ce n’est pas votre titre qui fera de vous un leader. Il va vous falloir gagner le respect de votre équipe. Si vous vous comportez en gamine, personne ne vous respectera. » Prenez un mentor, conseillent-elles, lisez, étudiez, suivez des séminaires le week-end, mais ne laissez pas votre équipe ou votre boss perdre confiance en vous.
  • Aller dans le micro détail : le manque d’assurance comme la culture de l’effort et du dévouement, si répandue chez les femmes, nous amènent à aller dans ce que les auteures appellent le micro-management. Nous contrôlons tout. Nous épuisons les autres et nous-mêmes. Car en fait, nous cassons les pieds de nos collaborateurs, nous bridons leurs énergies et nous perdons beaucoup de temps. C’est ainsi que beaucoup de femmes ne s’autorisent pas ce qui réussit si bien aux hommes leaders : se garder du temps pour réfléchir. Hé oui, buller ! C’est la clé des idées claires et de la créativité.

 

Manager des hommes, des femmes

Les stéréotypes de genre existent chez les hommes, comme chez les femmes. « Lorsque leur chef est une femme, les hommes sont méfiants (…) et ils cherchent en permanence à la tester, pour voir ce qu’elle vaut. Les femmes, elles, essaient d’être amies avec vous et ont plus tendance à parler de leurs problèmes personnels. Elles attendent également que vous manifestiez une attitude plus compréhensive », témoigne une chef d’entreprise auprès des auteures.

D’autres auteurs ont observé ailleurs des phénomènes troublants. En effet, l’enregistrement d’opérations chirurgicales à des fins de traitement à distance a mis en évidence l’ambiguïté des relations entre femmes. Le processus habituel est que le chirurgien demande un instrument en tendant la main et en donnant simplement le nom de l’instrument. L’instrumentaliste répond à cela en posant l’instrument demandé dans la main. La concentration et l’efficacité sont à ce prix. Ces enregistrements ont montré que les instrumentalistes, femmes, ne respectaient pas ce processus quand le chirurgien était une femme, mettant en péril la sécurité de l’intervention…

Les femmes attendent parfois d’une femme qu’elle se comporte « en femme », c’est-à-dire conforme à la culture des bacs à sable féminine. Mais si elle le fait, elle est aussi anxiogène, car non conforme au rôle du leader qui rassure et entraîne…  Les femmes doivent négocier avec les femmes, là où les hommes peuvent donner des ordres. C’est sans doute ce qui explique toute l’ambiguïté des femmes qui déclarent préférer être managée par un homme. Au moins les rôles sont clairs ! Et la tradition respectée.

Caitlin Friedman et Kimberly Yorio nous donnent des conseils pratiques pour établir « la bonne distance », ce qui est tout l’art du management. Et après avoir rappelé que pour être aimable il faut d’abord s’aimer soi-même et bien se traiter (en prenant du temps pour soi, en soignant ses objectifs de carrière…), nous terminerons par ce conseil : « Les femmes leaders qui risquent d’être cataloguées « garces » sont celles qui utilisent le leadership à leur unique profit et non à celui de leur équipe. »

Synthèse et commentaire L. Dejouany