Emotion et intuition

 

L’atelier Emotion et Intuition a réuni chaque mois pendant presque deux ans des salariés, des femmes et quelques hommes de nos entreprises qui ont, à la lueur de leurs propres expériences et avec l’aide de spécialistes, exploré les méandres de l’émotion et de l’intuition. Avec une question sous-jacente : ces attributs que l’on dit souvent féminins peuvent-ils être des leviers dans le monde professionnel et dans l’entreprise ?

Un travail restitué en faisant appel à une large palette de moyens : théâtre, interviews-témoignages filmés et présentations se sont entrelacées. Et de nombreuses bonnes nouvelles étaient au rendez-vous de ce 7 mars!

Ouverture emotion

 
Que sont nos émotions ?
De Descartes à nos contemporains en passant par Darwin, le débat reste ouvert entre les spécialistes sur le nombre des émotions. L’atelier s’est concentré sur six émotions « de base » universelles : joie, peur, colère, tristesse, dégoût, surprise. De celles-ci découle en effet toute une palette d’émotions « secondaires », comme par exemple la nostalgie ou encore la honte.

Six émotions illustrées d’entrée de jeu par Aude Diano, dirigeante et fondatrice de Impro2, qui a mis en scène et en musique ces situations de notre vie professionnelle où émotions comme intuition s’invitent si souvent.

Une journée normale…pleine d’émotions

 Pour introduire la restitution du groupe de travail sur les émotions, une série de scénettes ont retracé le vécu émotionnel d’une femme, Aude, directrice commerciale, dans une journée de femme active à La Défense.

 Des personnes en noir arrivent au bureau, se regardent et, en même temps, positionnent leur masque neutre sur leur visage.  Une femme, Aude, sans masque, les rejoint et salue de la tête quelques masques qui lui répondent de manière très neutre, avec un bref hochement de la tête.

 De la machine à café où Aude apprend comment son idée, reprise par son chef Eric, a été saluée par la direction, à la fin de la journée où elle remporte un franc succès lors d’une prise de parole, Aude va rapidement traverser les émotions de base :

–  colère à cause de l’usurpation d’idée,

–  tristesse liée à un moment de totale perte de confiance en elle puisqu’elle se dit qu’elle n’osera pas défendre la parenté de son idée,

–  peur avant de réaliser qu’elle doit faire une présentation de projet à l’oral face à son équipe et à son chef, et peur de ne pas être à la hauteur,

–   joie à l’issue de cette présentation réussie, dans laquelle elle parvient même à se réapproprier l’idée face à tous !

Aude va réussir à gérer ces différentes émotions en se parlant à elle-même :

–  « Aude, dépasse ta colère et agis sur le fond du problème : l’impression que tu n’es pas légitime alors que tu l’es pleinement : impose-toi ! »

–  « Aude, dépasse ta tristesse qui est de la colère refoulée puisque tu n’exprimes jamais rien face à ton chef » »

–  « Aude, transforme ta peur et affirme-toi finement : coupe l’herbe sous le pied d’Eric et réapproprie-toi l’idée face à ton équipe, avec laquelle tu as travaillé dessus, et face à Eric lui-même !»

–   « Aude, quelle émotion veux-tu faire passer avec ton message aux équipes ? De la joie ! Alors convoque-la, laisse ta joie devenir visible et fais-toi confiance! »

 Message d’espoir : grâce à ce travail sur elle-même, Aude, va partager sa joie avec son équipe et réussit à faire tomber leur masque neutre. Et tous entonnent en chœur:

« Nos émotions dès demain…nous montreront le chemin

Les écouter, savoir les transformer

Nous en faire des alliées ! »

Sylvie Berthoz, psychologue, docteur en neurosciences et chargée de recherche à l’Inserm et à l’Institut Mutualiste Montsouris, auteure de « La face cachée des émotions », s’est attachée à expliquer ce qu’étaient et d’où venaient les émotions.
– L’émotion du latin « e-movere » est une énergie, littéralement une « mise en mouvement ». Sans émotion pas de vraie vie. Les réactions émotionnelles sont des phénomènes complexes qui mobilisent toutes nos ressources pour nous adapter immédiatement. Quelques exemples : la peur nous tient à distance du danger, la colère nous protège et fait fuir nos ennemis, la tristesse nous attire le soutien des autres. Ces émotions sont autant d’informations, qui nous permettent de moduler nos comportements en fonction de notre environnement.
– Les émotions existent très tôt et sont biologiquement préprogrammées. Nous imitons automatiquement les expressions des autres par un système d’accordage et donc d’apprentissage. Chaque culture affine ainsi la manière dont nous percevons les émotions
– Certaines émotions et certaines parties du cerveau sont directement liées. Le cerveau est un véritable harmonium des émotions.
– Les émotions se donnent à voir et jouent un rôle fondamental dans la communication interpersonnelle. Chaque émotion déclenche une contraction spécifique des muscles du visage et du corps et donc un langage non verbal universel, cohérent ou non avec ce qui est dit. L’ensemble de ces expressions, faciales ou corporelles, influent sur nos relations sociales et sur le message que nous transmettons à notre interlocuteur.
– Il ne sert à rien de tricher et de cacher ses émotions; au contraire, pour aller bien, il faut parler, partager, positiver et exprimer ses émotions

Une bonne recette largement partagée et confirmée par les membres de l’atelier qui ont individuellement témoigné de leurs expériences tant en termes de joie, de peur, de colère ou de tristesse.

A quoi ça sert, un « capital » émotionnel ?

Au cœur d’un monde incertain et complexe, les émotions ont regagné leurs lettres de noblesse au sein des organisations et sont considérées comme des atouts précieux pour celui ou celle qui sait en décoder le sens et agir en conséquence, pour lui-même ou elle-même et avec ses équipes. En témoignent les nombreuses formations proposées pour « développer son intelligence émotionnelle » ou « mobiliser ses équipes ».

« L’intelligence émotionnelle » est reconnue comme un complément essentiel à l’intelligence rationnelle, à même d’influer positivement sur la motivation, la mobilisation et l’engagement des individus et des équipes, si cruciaux pour la performance : ce savoir-être constitue une véritable compétence.

Ce sont ces compétences émotionnelles que Bénédicte Gendron, professeure et vice-présidente de l’Université de Montpellier, auteure de « Emotions, compétences émotionnelles et capital émotionnel » étudie, sous la double approche économique et psychologique. Ses travaux lui ont permis de développer la notion de « capital émotionnel ». Partant du constat que les compétences émotionnelles se développent dès l’enfance, elle analyse la façon dont notre éducation nous aide à développer le savoir-être professionnel, en insistant sur les différences faites dès l’enfance selon les sexes.

La démarche éducative doit trouver des outils et des moyens pour développer le savoir-être au même titre que le savoir et le savoir-faire, trois éléments qui constituent la compétence professionnelle, en distinguant bien les différences entre « capacités » et « attitudes » professionnelles : on embauche une personne pour les capacités professionnelles qu’elle manifeste et on la remercie de ses services pour les attitudes professionnelles qu’elle ne manifeste pas. L’analyse de ces attitudes professionnelles, permet de définir les compétences émotionnelles : au niveau personnel (confiance en soi, estime et évaluation de soi, maîtrise de soi,…) et au niveau social (conscience sociale, aptitude sociale de communication ou de gestion des relations,…). Ces compétences conditionnent des orientations professionnelles et des déroulements de carrière différents.

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Gendron, Etre Compétent: The « 3S »

Toutes les compétences émotionnelles ne sont pas valorisées de la même façon sur le marché du travail. La valorisation (financière) des compétences émotionnelles relève encore de règles arbitraires. Or dans un monde où on est passé d’une économie où le produit est au cœur du business à un système où c’est l’idée qui est à la base du développement de l’entreprise, le Capital Emotionnel peut être reçu comme utile, mesurable au niveau de l’individu, du groupe et de l’organisation, donc valorisable.

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Bénédicte interroge les interactions entre management et capital émotionnel. L’entreprise a besoin de nouveaux modèles de management, vers un management plus humain, pour améliorer la mobilisation des talents, la Créativité et l’innovation. Le «Capital Emotionnel» est un capital réel, carburant de l’organisation, avec des retombées personnelles, économiques et sociales. Un «capital émotionnel» est d’autant plus essentiel à l’entreprise aujourd’hui que la globalisation des organisations et la multiplication des équipes pluriculturelles – souvent géographiquement éclatées – nécessite des capacités d’adaptation et de discernement toujours plus aiguisées.

En résumé, une citation qui nous parle tou(te)s « On ne travaille bien que lorsqu’on se sent bien », qui l’a conduite à développer le modèle des «6H», six conditions nécessaires d’un développement durable des entreprises.

  • Comment gérer ses émotions : les bonnes recettes ?

 Reste pour chacun et chacune à savoir apprendre de ses émotions, à comprendre comment ne pas se laisser submerger ni culpabiliser ? Comment transformer ses émotions en énergie positive dans l’entreprise ? Comment passer du stade de spectatrice passive à celui d’actrice de ses émotions et de celles des autres? Comment faire de cette compétence un incontournable des affaires, du management d’équipe et des relations professionnelles 

 Un véritable livre de recettes (élaboré par l’atelier) pour gérer ses émotions était au menu du jour, avec quatre leçons,  trois techniques  et une myriade de petits trucs et astuces

Conclusion : Les émotions, c’est la vie, c’est même la vraie vie. Exploitons sans modération cet atout que l’on nous reconnaît volontiers et apportons notre pierre au « capital émotionnel de nos entreprises ».

Introduction

« Eureka ! » Nous connaissons tous ce moment libérateur, annonciateur d’une solution trouvée. Il découle généralement d’un instant de lucidité particulier qui nous donne le sentiment de sentir, d’entendre, de toucher, de savoir que « c’est ca ! »

Pour autant, osons-nous toujours accueillir ce moment de conviction ? Osons-nous nous faire confiance, nous appuyer sur elle, ou encore l’avouer aux autres ?

Même si elle avance souvent masquée et corrélée au vécu, mais aussi à l’expérience, à la confiance en soi, l’intuition inspire, dans les faits, plus d’une décision, plus d’une innovation et beaucoup de grandes réussites. On pourrait voir l’intuition comme la « big picture », une vision globale qui prend en compte l’ensemble de notre environnement que ce soit de la logique pure ou des paramètres économiques, contextuels et individuels. Toutes ces données se complètent, comme les pièces d’un puzzle, et contribue a une meilleure perception d’ensemble.

• L’intelligence intuitive

Quels types d’intuition existe-t-il ? Comment identifier son propre type d’intuition ? Auteure de nombreux livres et formatrice de coachs professionnels, Vanessa Mielczareck, s’est spécialisée dans l’intelligence intuitive. Depuis plus de vingt ans elle enseigne sur le développement de l’intuition, les processus de changement et la réalisation de projets.

Dans son livre, « Les 9 secrets de l’intuition – Comment prendre les bonnes décisions au quotidien », Vanessa qualifie l’intuition à travers trois mots clefs :
Anticipatrice : l’intuition nous permet d’avoir ce côté visionnaire, de nous projeter dans le futur
Évidence : l’intuition est fugace, elle arrive de manière spontanée. Ce n’est pas le fruit d’une réflexion logique analytique
Féminine : non du fait qu’elle nous appartient en tant que femme mais parce que les qualités féminines et masculines se complètent pour recevoir une information et passer à l’action.

L’intuition nous permet d’avoir d’un coup une idée ou une solution à un problème. En philosophie on appelle cela un acte complet de la conscience qui nous amène à la conscience des choses. Sorte de sagesse intérieure qui nous permet de prendre des décisions. C’est une fonction psychique et physiologique

Trois canaux de perception sensorielle sont utilisés par l’intuition :
Kinesthésique. C’est le ressenti, la première impression ou une sensation désagréable que l’on a sans connaître la personne. Elle nous alerte que quelque chose risque de nous échapper et nous met en vigilance pour être plus à l’écoute de ce qui peut se passer.
Auditif : C’est l’intuition pratique, une petite voix qui nous donne des informations concrètes et nous amène à nous réajuster par rapport à une situation.
Canal visuel qui fait partie du côté visionnaire et permet de répondre au besoin d’anticipation.

Quelques recettes, pour utiliser au mieux son intuition
Savoir se détendre et prendre du recul afin d’être moins dans l’action. Cela nous aide à y voir plus clair et avoir une vision globale des choses.
– Apprendre à suivre de petites intuitions pour commencer. Plus l’expérience est positive et plus on prend confiance en soi. Faciliter la reconnexion à soi.
Utiliser ce pilotage intérieur.
Cultiver l’optimisme qui permet de nous ouvrir à cette intelligence.
Émettre l’intention de voir se manifester son intuition qui nous permet d’obtenir nos propres réponses


Paule Boffa-Comby, executive coach, auteure de « Promouvoir les talents : Hommes Femmes Entreprise, la combinaison gagnante» et de «Walk the Talk – une autre façon d’être dirigeant », qui nous a soutenus dans nos réflexions en participant à notre atelier, a confirmé l’émergence d’un nouveau type de leader, alliant rationnel, émotion et intuition.
Sa pratique d’accompagnement de dirigeants et d’entreprises en transformation convergent vers un constat partagé : dans un monde global, complexe et incertain, les leaders d’aujourd’hui doivent savoir tout autant analyser une situation que lire les signaux faibles pour mobiliser leurs équipes vers un objectif partagé qui fait sens.
Paule Boffa-Comby identifie sept compétences-clefs du leader du XXIème siècle : Courage ; Vision « grand angle » ; Engagement ; Honnêteté ; Humilité ; Respect ; Persévérance.

Clarifiant le lien entre émotions et intuition, Paule souligne combien émotions et intuitions sont des moteurs, des accélérateurs… et non des obstacles et fait explicitement apparaître le choix que nous avons de saisir le message transmis par nos émotions et nos intuitions, de les transformer en autant d’occasions de rendre possible l’action et de faire avancer soi, l’équipe, l’entreprise.

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Ont participé à cet atelier
Dominique Maire, ex-Directeur de la Communication Corporate et membre du Comité Exécutif du Groupe Air Liquide, membre honoraire du bureau d’InterElles.
Stephanie Robisson Montillet, ingénieure chez Schlumberger, membre du réseau de femmes de Schlumberger « Connect Women » et du bureau d’InterElles.
Dominique Phely, détachée syndicale à la CFE-CGC à temps partiel et membre du réseau Interp’Elles d’EDF.
Anne Bessou, ingénieur chez GE Healthcare, membre du « women network », le réseau de GE.
Robert Brisedoux , ingénieur de formation et titulaire d’un Master exécutif RH à HEC
Adriana Carrez, juriste internationale chez EDF et membre active des actions de mécénat de la Fondation EDF.
Sonia Charpignon, conseil chez Orange Consulting depuis plus de 10 ans sur des projets « innovation »
Sabine Grignon, responsable de la division planning de la direction « Engineering and Projects » chez Areva, membre du réseau « WE » d’Areva et du bureau InterElles.
Patricia Lecocq, responsable des relations avec les collectivités locales de Paris et de la Région Ile de France pour le groupe France Telecom-Orange
Alicja Piatkowska , responsable des opérations des ventes chez Lenovo
Alix Sennyey, ingénieur chez Nexter Systems et membre fondateur du réseau « Nextelles »
Françoise Touboul, ingénieur au CEA, membre du réseau du CEA « PDF : parité, diversité, femmes »