Courage, fuyons notre culpabilité !


Avec Laurence Dejouany, Laurence Thomazeau, Caroline Bettini, Florence Boutemy, Madeleine Bucquet, Karine Dolacinski, Christelle Gaborieau, Isabelle Genaux, Marianne Julien, Estelle Lefrançois, Agnès Le Guern, Caroline Le Mer, Karine Levenes, Dominique Maire, Marine Rabeyrin, Natalia Speranski, Martine Tulet, Katia Pinsach, Françoise Touboul, Elisabeth Valensi, Pascale Xelot-Dugat, et Jean-Benoît Besset.

Mais non ! C’était pour rire !

Ne fuyons pas, regardons en face notre culpabilité de femmes au travail et voyons si nous pouvons lui tordre le cou.

Dès que l’on s’intéresse à la question des carrières des femmes, le mot culpabilité surgit. Il nous a semblé qu’il était temps de nous emparer de ce thème et d’aller voir ce qu’il y avait derrière et comment nous pourrions nous en dégager. Nous avons travaillé en groupe et c’est le résultat de ce travail que nous avons présenté lors du Colloque annuel du Cercle InterElles qui suit.

Delize - enceinte je culpabilise

 Les coupables anonymes: rejoignez-les

Mais coupables de quoi? Oui, au fait…

Coupables, vous avez dit coupables? Ecoutez le témoignage vidéo de Sylviane Giampino, auteure de Les femmes qui travaillent sont-elles coupables? Toutes les femmes s’y reconnaissent, mères ou pas.

Et les hommes? La culpabilité serait-elle un fait féminin? Non nous explique l’un d’entre eux, mais elle ne répond pas aux mêmes impératifs.

Ose! avec Nicole Abar, 10 ans Internationale de football. Découvrez en vidéo le travail qu’elle fait avec les jeunes enfants.

Retrouvez leurs solutions dans la Boîte à outils:

Créer sa confiance

Entretenir sa confiance

Buller, c’est travailler 

                                                      

Avec Madeleine Bucquet, Florence Boutemy, Christelle Gaborieau, Marianne Julien, Agnès Le Guern, Marine Rabeyrin


        « Bienvenue à la réunion mensuelle des coupables anonymes !  »

Bonjour, je m’appelle Solenne. J’ai 30 ans. Je me sens coupable de faire suffisamment bien mon travail. J’aimerai que les graphes de ma présentation power point soient mieux alignés, avoir répondu à tous les emails que je reçois et que mes collègues soient épanouis.  Je fais pourtant des efforts. Je me sens imparfaite, c’est plus fort que moi. C’est comme ça que j’ai été élevée.  Faire de son mieux, toujours mieux. Etre parfaite et sympa.  Au travail, à la maison, en sport, avec les amis. J’en ai marre de cette pression continuelle.

Je m’appelle Juliette et je me sens coupable quand mon manager me dit qu’en partant à 18h tous les jours je passe à coté de discussions très importantes pour la croissance de l’entreprise. J’en ai marre de ces chefs qui me transmettent leur stress.

Bonjour, je m’appelle Aurélie. Mon 1er enfant à 2 ans et le 2ème est en route. Ma mère et ma belle-mère étaient femmes au foyer. Mon mari me soutient, mais cela ne suffit pas. Je ne peux pas m’empêcher de penser que,  à cause de mon travail, je ne suis pas une bonne mère et que, à cause de mes enfants, je ne suis pas une bonne professionnelle, disponible et flexible. C’est bête, mais c’est plus fort que moi. En plus, les jours où j’ai culpabilisé au travail je rentre stressée et je culpabilise de ne pas être disponible pour mon petit garçon si sensible. Bref, ce sentiment de culpabilité, c’est doublement l’enfer et j’ai vraiment envie de m’en débarrasser.

Je m’appelle Edith et je me sens coupable quand mon mari me dit que je vais encore rater le spectacle de fin d’année du petit dernier à cause de mon séminaire annuel européen. J’en ai marre de devoir justifier des mes joies professionnelles.

Je m’appelle Caroline et je me sens coupable de ne pas faire le métier dont mes parents rêvaient pour moi : médecin, avocat ou professeur d’université. J’en ai marre de devoir faire encore mes preuves. J’en ai marre de pleurer parce que je n’ai pas réussi à prendre la parole en réunion, parce que le frigo est vide et parce je n’ai pas réussi à grimper en courant.

Je m’appelle Joëlle. Je ne suis pas coupable. Je travaille, j’élève mes 3 enfants et participe activement à la vie de la chorale.  J’en ai assez qu’on me demande « mais comment tu fais pour tout mener de front ? Je vais finir par culpabiliser de ne pas me sentir coupable….


Alors, si vous en avez marre d’avoir marre, si vous êtes enfin prêtes à demander de l’aide, « coupable anonyme » ça marche pour des milliers d’entres nous…  pourquoi pas vous ?

Laurence Dejouany 


Mais coupables de quoi ?

On associe généralement le sentiment de culpabilité des femmes dans le travail à la difficulté de conciliation entre vie privée et vie professionnelle. Les femmes craindraient de ne jamais donner assez d’un côté ou de l’autre. Paralysées par ce sentiment, elles n’oseraient pas s’affirmer dans l’entreprise, s’affronter à la compétition avec les hommes et faire craquer le plafond de verre.

Nous avons donc fait raconter à des femmes de quoi elles se sentaient coupables. Et notre surprise a été grande de constater que ce sentiment de culpabilité n’est pas forcément lié à la maternité. Des femmes non mères le ressentent fortement et inversement certaines femmes mères ne le ressentent pas.
Par contre, elles doivent s’en justifier. Ce n’est pas considéré comme « normal »… Et l’on ne se prive pas de leur faire remarquer en leur demandant : « Mais comment fais-tu pour t’en sortir ? »

1-  L’origine de la culpabilité, théorie psychanalytique
Après avoir fait le point sur notre sentiment de culpabilité à chacune, et ce n’était pas triste, nous avons essayé de comprendre l’origine de ce sentiment.
Nous avons commencé par interroger la théorie psychanalytique. Elle nous apprend que :
• La découverte de la culpabilité par le bébé est particulièrement structurante.
• Elle permet peu à peu de se constituer en tant que personne, d’accéder à l’humanité,
• de dépasser le statut animal dans lequel nous serions gouvernés par nos pulsions et prêts à tuer quand elles ne sont pas satisfaites. C’est un passage nécessaire dans la construction humaine.
L’expérience de la culpabilité a une valeur socialisante. Elle nous amène à accepter l’existence des autres, à découvrir la compassion et la réparation. C’est la naissance de la conscience morale sans laquelle une société ne saurait vivre. Ceux qui n’éprouvent pas ce sentiment sont ceux que l’on appelle les pervers.
C’est la face positive de la culpabilité.

Mais ce qui est important de retenir c’est que le sentiment de culpabilité chez l’enfant est associé à
• La crainte de perdre l’amour des parents
• La crainte des mesures de rétorsion face à son agressivité
• L’exagération de sa responsabilité à un âge où il croit que magiquement sa parole, ou même simplement son désir, peuvent provoquer la mort de l’autre ou le sauver.
Ca lui donne donc beaucoup de poids. C’est lourd !

Or il faut savoir aussi que le siège de cette conscience morale, que l’on appelle le surmoi, est en partie inconscient. Et l’inconscient a un fonctionnement assez particulier.
En effet il emmagasine, archive toutes les croyances de l’enfance, les mélange, les tricote et leur garde une valeur d’actualité. La notion de temporalité n’existe pas dans l’inconscient. Ce qui s’est passé il y a 10, 20 ans peut être vivant comme si cela s’était passé hier !

Sauf si on fait un effort de prise de conscience pour désactiver ces liens.
Donc la force inhibante de la culpabilité peut être exagérée, disproportionnée ou simplement en décalage avec la personne que nous devenons en grandissant.
C’est pourquoi nous avons besoin
• de l’identifier,
• de la relativiser
• et de réactualiser la responsabilité que nous nous attribuons.

2-  L’explication culturelle
Par contre la psychanalyse ne nous parle pas de différence liée au sexe à ce sujet. Or il nous semblait qu’il y avait dans ce registre de la culpabilité un fait féminin. Mais néanmoins la psychanalyse  s’étonne que l’on rencontre les structures perverses, c’est-à-dire n’ayant pas intégré ce passage par la notion de culpabilité et la construction d’une conscience morale, majoritairement chez les hommes et beaucoup plus rarement chez les femmes.
De même, on peut constater qu’il y a beaucoup plus d’hommes dans les prisons que de femmes.
On peut donc penser qu’il y a une influence importante de l’éducation et de la culture dans la construction de cette conscience morale qui va donner tout son poids à la culpabilité.
Quels éléments de compréhension avons-nous à notre disposition :
• A l’école, par exemple, on sait que si on veut une classe calme, on place un petit garçon à côté d’une petite fille. Les filles sont toujours plus sages !
• Ici même, dans le Cercle InterElles, nous avons beaucoup évoqué déjà toutes ces différences qui se construisent dans l’enfance où les groupes de jeu sont sexués. Les petites filles jouent d’un côté, les petits garçons de l’autre et bien souvent dès 3 ans ! Nous avons appris que les normes de comportement qui se développent dans ces groupes sont différentes.
• La littérature enfantine en rend compte aussi. La comtesse de Ségur a écrit « Les petites filles modèles » à propos des filles et « Un bon petit diable » pour parler d’un garçon. Là, quand il s’agit d’un garçon, ça peut être sympathique et toléré d’être désobéissant ! Il fait pourtant des choses bien plus horrible que l’affreuse Sophie, qui elle est le contre modèle des petites filles modèles !

Oui, c’est clair qu’il y a des explications culturelles à cette spécificité et ce poids de la culpabilité féminine.

L’autre découverte surprenante, après le fait que le sentiment de culpabilité des femmes dans le travail n’était pas forcément en lien avec la maternité, nous l’avons faite parce qu’un homme était présent dans notre groupe. Il  nous a fait remarquer que nous disions tout le temps « J’ai besoin de travailler », toutes, que ce besoin soit financier ou psychologique. Un peu comme : « Je travaille, mais excusez moi, c’est parce que j’en ai besoin », et que ce soit pour exprimer que l’on ressente de la culpabilité ou non. Comme une justification que les femmes auraient encore à produire pour légitimer leur place dans le monde du travail.
Et d’ailleurs celles qui ne ressentent pas de culpabilité, elles évoquent par contre parfois ce qu’elles appellent le « syndrome de l’usurpatrice », c’est-à-dire la légitimité de leur compétence cette fois. Est-ce si différent ? La culpabilité peut aussi être inconsciente et s’avancer « masquée »…

Donc derrière la question de la culpabilité, est-ce que ça ne serait pas plutôt la question de la légitimité qui se profilerait ?
« Ai-je le droit d’être à cette place ? »
Est-ce que la culpabilité ne serait pas l’arbre qui cache la forêt de la légitimité ?

La légitimité de notre désir à nous engager dans un autre rôle que celui que la tradition nous avait assigné. Celui d’une femme dévouée aux autres et en particulier à sa famille, serait encore culpabilisante en 2011 quand une femme s’engage dans la vie professionnelle et donc dans la recherche d’un destin singulier ?
C’est si vrai que les questions des femmes non mères de notre groupe, qui ressentent de la culpabilité dans leur travail sont : est-ce que je donne suffisamment à mon employeur, à mon manager, à mes collaborateurs, à mes collègues ? Suis-je suffisamment dévouée ?

Nous sommes donc, de façon plus ou moins inconsciente, toujours porteuses de ces stéréotypes, d’une femme dévouée et dédiée aux autres. « L’expérience ancestrale des femmes, normée par le souci des autres, accolée au sacrifice de soi, le piège féminin de l’abnégation de soi » décrite par Fabienne Brugère serait donc toujours là en 2011! Et serait l’origine de ce sentiment que nous ressentons et nommons culpabilité.

Dominique Méda que certaines d’entre vous étaient allées interroger l’année dernière sur le temps des femmes, fait le constat que l’arrivée massive des femmes sur le marché du travail dans les années 70, n’a pas vraiment amené à revoir le fonctionnement traditionnel de la société dans lequel
• l’homme est pourvoyeur de ressources (il gagne de l’argent, mais il n’a pas le temps !)
• et la femme pourvoyeuse de temps (elle ne demande pas d’augmentation de salaire, mais elle doit tout son temps aux autres !)

Cette arrivée massive des femmes sur le marché du travail depuis 40 ans n’a finalement pas transformé les représentations de nos différents rôles. Et ce sentiment de culpabilité vient de là : nous osons être en transgression par rapport au rôle traditionnel qui nous a été assigné. C’est là notre seul péché !

3-  Accéder à la responsabilité
Comment avancer maintenant?
La prise de conscience est une première étape indispensable.
Le « sois parfait », lié aux injonctions parentales prises au pied de la lettre, est une grande source de culpabilité.
Le sentiment de culpabilité se traduit par une dévalorisation de soi ou des autres souvent écrasante et inhibante. Elle peut être si lourde que nous chercherons à l’éviter, à la fuir et du coup à fuir notre responsabilité (oui, vous l’aviez bien compris, notre titre n’était pas un bon conseil mais un trait d’humour, car face à ce qui nous écrase mieux vaut en rire qu’en pleurer !). Et à fuir notre responsabilité on risque alors de faire d’autant plus mal à l’autre. Cette culpabilité-là, que l’on a envie de fuir, n’est pas vraiment « créatrice de valeur » au sens économique.

Ce qui est « créateur de valeur » c’est d’arriver à la notion de responsabilité de nos actes. Qui peut être
• objectivée,
• réaliste,
• amenant à s’engager dans des actes mûrement pensés et réfléchis, dans leurs conséquences pour nous-mêmes et pour les autres.
• A nous remettre en question aussi.

La notion de responsabilité est indispensable à notre fonctionnement en groupe, en société. Elle est parfois associée à un certain mal-être et il peut être inévitable. Ne nous leurrons pas. Il est la trace de notre humanité et d’un souci légitime des autres.

Vouloir se dégager du poids écrasant
• d’une culpabilité « obsolète », car associée aux fantasmes de toute puissance de l’enfance,
• se dégager d’une culpabilité « obsolète » car liée à des rôles sociaux dépassés, archaïques, celui d’une femme ou d’une mère dévouée jusqu’à l’oubli d’elle-même
est vital.
Mais se dégager de cette culpabilité dépassée ne veut pas dire devenir une Superwoman impitoyable, le couteau entre les dents, partant tous les matins sabre au clair tailler dans la chair de l’entreprise ! Nous pouvons garder notre humanité !

Et il y a un sujet qui a surgi dans les causes de culpabilité ressentie par les unes et les autres, c’est celle du licenciement. Qu’il y ait un plan social dans l’entreprise ou que l’on ait à licencier un collaborateur qui ne fait pas l’affaire. Et dans ce cas comment
• ne pas se laisser écraser par une culpabilité face à un événement qui bien souvent nous dépasse
• sans pour autant fuir ce qui est de l’ordre de notre responsabilité, parce que nous trouvons la situation trop lourde ?
Il y a une expérience qui peut être intéressante pour nous. C’est celles des métiers de soin, traditionnellement associés aux compétences de sollicitude attribuées aux femmes. On sait maintenant que si ces personnels négligent de prendre en compte leurs propres besoins, c’est alors que les situations de maltraitance ou de violence peuvent se développer à l’égard des personnes qui sont l’objet de leurs soins. Face à ce problème les hôpitaux actuellement commencent à mettre en place des programmes de « bientraitance », par opposition à maltraitance. Que faut-il faire, quels gestes doit-on pratiquer pour mettre en place cette bientraitance ?

Nous pourrions réfléchir à ce concept : que serait la bientraitance dans les situations de crise sociale ? Comment pourrions-nous la développer en entreprise, mais en y associant les hommes, en n’étant pas en charge de tout, erreur qui nourrit notre culpabilité ?

En conclusion, avant tout n’oublions pas : cette sollicitude, ce souci des autres sur lequel nous nous sommes construites en tant que femmes,
• pouvons-nous nous l’appliquer à nous-mêmes ?
• Faire preuve de générosité aussi pour nous ?
• Pouvons-nous d’abord affirmer qu’exercer un tel souci : celui de l’attention et du dévouement aux autres c’est assumer la fragilité des autres, mais d’abord de nous-mêmes.
• Et lever ainsi le poids de ce sentiment de culpabilité à assumer un destin individuel ?

Changer cela commence avec la nécessité pour nous les femmes d’apprendre à prendre soin de nous. Et prendre confiance dans notre droit à aller vers notre désir.
Oui, donnons-nous ce droit !

 

Sylviane Giampino, psychanalyste et psychologue pour enfants, auteure du livre « Les mères qui travaillent sont-elles coupables ? », a apporté son témoignage. 

Quelques citations :

« Une mère, bonne juste assez, est à mes yeux une femme qui sait s’absenter sans lâcher son enfant, être présente à lui sans l’accaparer. Encore doit-elle savoir et accepter que, sur lui, elle ne possède ni le pouvoir de faire tout son bien, ni le pouvoir d’être à l’origine de tout son mal. Une mère supportable est une femme qui se sent humaine, c’est-à-dire limitée. »

« Cette obsession du temps est comme une obsession du don. »

 

Regardez le témoignage de Sylviane Giampino :

Témoignage de Jean-Benoît Besset

Est-ce que la culpabilité est un fait exclusivement féminin ? 

Je ne le pense pas.

En partageant avec les femmes de l’atelier je me suis vite rendu compte que je me suis retrouvé dans des situations similaires à celles qu’elles décrivaient :

–       ne pas se satisfaire du temps consacré aux enfants comme du temps consacré au travail,

–       ne pas se satisfaire de la qualité du travail rendu, toujours vouloir faire plus

Moi aussi j’étais écartelé entre les temps, les rythmes de ce que l’on appelle la vie professionnelle et de ce que l’on appelle la vie personnelle.

Il m’est apparu que la culpabilité pourrait essentiellement provenir de l’incohérence entre l’image sociale que l’on a de soi et ses propres aspirations.

Et ce point ne me semble pas spécifiquement féminin bien que les modes d’expression soient différents sans doute.

Je vous donne un aperçu de ma situation personnelle pour mieux éclairer cette logique de tensions qui génère la culpabilité mais avec un mode d’expression différent de celui qu’avaient exposé les femmes de l’atelier :

–       j’ai fait une grande école d’ingénieur, je suis donc entré dans un modèle, d’aucuns diraient un moule, où la performance, la réussite sont des valeurs cardinales

–       il en découle une certaine responsabilité, obligation de réussir que je me suis collé, autant qu’on me l’a collée.

Delize - culpabilité enfant

Avec cette responsabilité, en bon homme de Cro-Magnon chasseur, je me devais de ramener toujours plus de mammouths au foyer pour que ma petite famille soit à l’abri du besoin comme il convient à la famille d’un ingénieur d’une grande école.

Mais moi j’avais aussi envie de passer du temps avec ma famille, mes enfants. Temps qui serait forcément pris au temps que j’aurais pu consacrer à pister le mammouth en progressant dans la hiérarchie de l’entreprise.

Sur un mode d’expression différent de celui exprimé par les femmes de l’Atelier, moi aussi j’éprouvais un fort sentiment de culpabilité. Moi aussi tous les soirs je trouvais que je partais trop tôt du bureau et que j’arrivais trop tard à la maison. Pendant des années j’ai couru dans les couloirs du métro pour tenter de rattraper le temps que je pensais perdu pour l’entreprise ou la famille.

Comment ai-je modifié ma façon d’agir et de penser pour limiter le sentiment de culpabilité ?

 Personnellement j’ai eu la chance de bénéficier des conseils d’un coach, proposé par mon entreprise, qui m’a ouvert les yeux sur cette tension entre aspirations professionnelles et personnelles.

J’ai retenu des échanges avec lui que l’essentiel est d’être cohérent. Cohérent dans son mode de vie par rapport à ses aspirations profondes, cohérent dans ses aspirations entre elles.

Par exemple il me paraît maintenant incohérent de vouloir à la fois consacrer toute son énergie et son temps à sa famille comme si le travail n’existait pas, et en même temps consacrer toute son énergie au travail, pour devenir membre du comité de direction de son entreprise par exemple, comme si la famille n’existait pas. Il me paraît incohérent de vouloir être le meilleur dans les deux domaines comme si l’autre n’existait pas.

Je regarde maintenant ma vie comme une, je ne considère plus avoir deux vies, une professionnelle et une privée mais une seule, avec différentes facettes que je dois concilier, consciemment.

Pendant longtemps je n’ai pas compris cette nécessaire cohérence, cette nécessaire conciliation et j’ai donc subi un fort sentiment de culpabilité.

Prendre conscience de l’incohérence, faire un choix qui permette de concilier les différentes facettes de ma vie, mode de conciliation qui a et va encore évoluer au cours de ma vie, assumer ce choix et le vivre, a certainement été pour moi un excellent moyen de déculpabilisation. Même si évidemment je ne suis pas exactement parvenu à la complète conciliation et la complète déculpabilisation. J’ai encore du travail à accomplir.

Avec Nicole Abar dont le parcours, l’expérience nous ont fascinées, une vie qui est une ode à la confiance, Nicole Abar, 10 ans Internationale de football.

 

Nicole Abar nous a raconté comment elle a construit son chemin en s’affranchissant des assignations « femme », « arabe », qui se dressaient devant elle. Elle nous a raconté aussi comment elle a monté des programmes d’initiation au sport en mixité pour les enfants, pour que les filles fassent l’expérience de la puissance au féminin. Comment articuler cette dualité fragilité-puissance pour construire son chemin.

Découvrez dans la vidéo « Passe la balle ! » ses activités d’initiation à la mixité avec des enfants:

Pour en savoir plus sur le parcours de Nicole Abar, lisez l’article très documenté de Marie Donzel  http://www.eveleblog.com/approfondir/nicole-abar-la-femme-qui-fait-de-legalite-un-sport-pour-tous/