2002

Histoire de pionnières : l’accès des femmes au pouvoir et aux techniques

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Delphine Gardey
Colloque InterElles, 8 mars 2002
Historienne et sociologue, elle est maintenant Professeure de sociologie à l’université de Genève


Je voudrais vous raconter quelques histoires de pionnières qui se situent entre la fin du 19ème et les années 30. Elles sont exemplaires pour penser quelques-uns des problèmes que rencontrent les femmes quand elles accèdent au pouvoir, à des responsabilités en science ou en technique. Mes recherches s’orientent sur tout ce qui concerne l’histoire des sciences et des techniques et la question du barrage ou de l’incompatibilité, ce que j’ai appelé les affinités peu électives entre les femmes, les sciences et les techniques.

Revenons à nos pionnières. Peut-être comme première, on pourrait aujourd’hui se souvenir de Julie Victoire d’Obier, la première femme bachelière en 1861. On pourrait se souvenir de ces premières étudiantes russes, polonaises, françaises qui entrent en Sorbonne au début du 20ème siècle. On pourrait se souvenir de ces dames qui étaient calculatrices dans des laboratoires d’astronomie à la fin du 19ème siècle à l’Observatoire de Paris et qui faisaient les travaux de mathématiques en utilisant les machines à calculer, nouvellement mises en circulation sur le marché de ces pratiques scientifiques et techniques. On pourrait se souvenir de ces dames du barreau qui ont eu beaucoup de mal à faire admettre le fait que la robe sur leur robe valait encore robe de droit, et qu’elles étaient capables de rentrer dans le monde du droit, d’occuper l’espace de la plaidoirie et de la définition des règles et législation.

Ces histoires de pionnières sont intéressantes parce que quand on est historien, on voit que pour les femmes il y a toujours un recommencement, une
répétition, qu’il n’y a pas de capitalisation, que les itinéraires sont singuliers et qu’ils se répètent. Ces questions sont anciennes et c’est intéressant de réfléchir sur cette longue durée des questions pour comprendre ce qu’il en est des recommencements incessants et la façon dont chacune doit porter dans son itinéraire singulier et de nouveau, des problèmes que d’autres rencontrent.