Codes masculins/féminins

Présenté le 8 mars 2007, ce travail est le fruit d’un atelier du Cercle InterElles qui a eu lieu de septembre 2006 à  mars 2007, avec Christine Cluzel, Laurence Dejouany, Marianne Le Huu, Nathalie Mangeot-Gehin, Marie-Christine Marchand, Marie-Hélène Meyling, Sylvie Pagès, Laurence Thomazeau, Martine Vidal, Sabina Wehn

Filles et garçons grandissent souvent séparément, malgré la mixité instituée dans les écoles, car rapidement ils jouent dans des groupes sexués. Ils réalisent des apprentissages de socialisation et de communication différents. Ces apprentissages ont des répercussions dans la vie au travail sur les jugements de compétence, de confiance en soi qui sont portés sur les personnes.

Or l’entreprise s’est construite avec des hommes qui la dirigent encore. C’est donc le code masculin qui prédomine. Cependant, tout le monde n’a pas intégré ces codes de la même façon. C’est le cas des femmes qui ont su franchir le plafond de verre.

Comment transmettre ces apprentissages?

Comment apprendre à jouer avec ces codes pour se faire entendre et accepter?

 

mixité

C’est en partant de ces questions que plusieurs réseaux de femmes ont voulu travailler:

• Le réseau O’Pluriel d’Air Liquide a construit à destination des femmes un guide «Décodons les codes».

• Des femmes du réseau Elles d’IBM ont monté des ateliers « Image building »: à travers l’acquisition de techniques théâtrales et l’improvisation, dans des groupes mixtes, elles apprennent à élargir le registre personnel de communication, à prendre conscience de l’image qu’elles émettent pour essayer de la rapprocher de celle qu’elles souhaitent transmettre.

• Chez IBM, un travail sur la mise en visibilité a été fait à destination des techniciens de haut niveau, qui souffraient d’un problème de rétention et de valorisation dans une entreprise à dominante commerciale. Cette problématique, proche de celle que vivent bien des femmes, permet d’en proposer aujourd’hui aux femmes d’InterElles les fondamentaux.

Filles et garçons grandissent souvent séparément, malgré la mixité instituée dans les écoles, car rapidement ils jouent dans des groupes sexués. Ils réalisent des apprentissages de socialisation et de communication différents.

Laurence Dejouany

Cette question des codes culturels masculins/féminins a déjà été abordée l’année dernière, mais elle nous a paru suffisamment importante pour devoir être approfondie, en particulier sous l’angle de la communication. Il est apparu en effet dans les études des linguistes que les modalités de communication étaient relativement différentes entre les hommes et les femmes.

  • Qu’est-ce que cela veut dire ?
  • Quelles en sont les répercussions pour les femmes en entreprise ?
  • Et d’abord pourquoi seraient-elles différentes des hommes ? Comment comprendre ces différences ?

Nous n’aborderons pas cette question sous l’angle de l’inné, de l’acquis, etc. Nous faisons le choix d’une hypothèse culturelle qui est celle de Deborah Tannen, professeur de linguistique à l’Université de Georgetown, et c’est celle-là que nous allons présenter. Nous verrons ensuite comment en entreprise des femmes se sont emparées de la question et comment elles la traitent. Pendant l’enfance nous apprenons les modalités de communication en jouant avec d’autres enfants du même âge. Or il se trouve que ces groupes de jeux ont tendance à être des groupes sexués, quelque soit la mixité des structures éducatives.

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Ainsi, on constate que les filles :

  • vont plutôt jouer avec une seule grande amie ou en petit groupe et passent beaucoup de temps à parler.
  • Elles se servent du langage pour négocier la distance ou la proximité avec l’autre, par exemple la meilleure amie à laquelle elles vont confier leurs secrets.
  • Les filles apprennent à minimiser les signes qui manifestent la supériorité de l’une sur les autres et au contraire à insister sur les signes d’égalité entre elles. Elles apprennent dans l’enfance que paraître trop sure de soi les rendra impopulaires dans un groupe de filles, bien que personne ne soit dupe de leur modestie affichée. Si une fille veut manifester sa supériorité, elle sera critiquée par les autres qui diront « qu’elle ne se prend pas pour n’importe qui ». De même si une fille tend à dire aux autres ce qu’elle doit faire, elle sera accusée de jouer « les cheftaines ». Les filles apprennent ainsi à tenir compte des besoins des autres et en particulier à ne pas leur faire perdre la face.

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Les garçons quant à eux s’organisent très différemment :

  • Ils jouent généralement dans des groupes plus larges, mais dans lesquels tout le monde n’est pas traité de manière égalitaire. Ils vont attendre des garçons qui ont un statut élevé dans le groupe qu’ils le mettent en valeur, plutôt qu’ils ne le minimisent
  • et il y aura un ou plusieurs garçons considérés comme leaders du groupe. Les garçons ne reprocheront pas à un autre de jouer au chef, parce qu’ils attendent du leader qu’il dise aux autres ce qu’ils doivent faire.
  • Les garçons se servent du langage pour négocier leur statut dans le groupe, en faisant étalage de leurs performances et de leurs connaissances et en défiant les autres sur ce terrain. Donner des ordres est une façon d’obtenir et ensuite de garder un statut élevé dans le groupe.

Ainsi, dans le jeu les filles apprennent des rituels qui mettent l’accent sur la dimension de la relation, alors que les garçons apprennent des rituels qui mettent l’accent sur la dimension du statut.
Cela ne veut pas dire que toutes les filles ou tous les garçons grandissent comme cela. Il y a toujours des composantes individuelles qui vont moduler ces apprentissages. Les enfants peuvent aussi se sentir plus ou moins à l’aise avec ces normes ou ne pas réussir à les intégrer. Mais pour la plupart cela se passe comme ça. Deborah Tannen s’est intéressée aux échanges à l’intérieur de la sphère de travail et à la façon dont ils sont affectés par les apprentissages réalisés dans l’enfance. Or ces rituels bien intégrés sont associés à des qualités morales qui sont valorisées : celles d’une femme à l’écoute ou celles d’un chef. Nous y sommes donc attachés, ce sont « nos valeurs ».

Et l’on va continuer à répéter ces rituels, même s’ils ne sont plus pertinents :

  • Les femmes vont valoriser de ne pas crier sur tous les toits ce qu’elles ont fait. Vont dire nous, plutôt que je, exprimeront leurs doutes, poseront des questions. Ne trouveront pas nécessaire de s’exprimer à tout prix dans un groupe pour manifester leur existence.
  • Elles trouveront par contre très pénibles les affrontements rituels des hommes qu’elles prennent au pied de la lettre. Et elles ne parviendront pas à se faire entendre dans les situations où les hommes mettent en place ce rituel.
  • En décodant ces situations à partir de leur propres apprentissages culturels, les hommes en déduiront que si les femmes ne percent pas, c’est qu’elles ne sont pas du tout attirées par le pouvoir et ne savent pas exercer une autorité.
  • Mais inversement, une femme très à l’aise avec les rituels masculins pourra être mal perçue par les hommes. Par exemple, si elle adopte les rituels d’affrontement, les hommes la trouveront beaucoup trop agressive. Des femmes ont fait, par exemple, l’expérience en négociant leur salaire comme les hommes d’être accusées de vénalité. Car en fait et pour tout compliquer, ces apprentissages ont aussi construit des attentes de rôles autour de ces qualités, censées être « naturelles ».

Deborah Tannen constate que ces apprentissages ont donc des répercussions

  • sur les jugements de compétence,
  • de confiance en soi qui sont portés sur les personnes,
  •  ainsi que sur qui sera écouté,
  • obtiendra du crédit
  • et ce qui sera réalisé.

Souvenons-nous :

  • culture féminine modestie affichée, attention à l’autre, pseudo-égalitarisme, mais du coup peut-être plus grande culture du collectif,
  • culture masculine, s’affirmer comme leader, familiarité avec le conflit et peut-être plus grande efficacité dans une gestion frontale des difficultés.

Pourtant les femmes qui ont percé le plafond de verre ont su dépasser ces différences. Et jouer avec ces différents codes.

  • Comment transmettre ces apprentissages ?
  • Comment décoder les codes ?
  • Comment apprendre à jouer avec eux, pour ne pas se contenter de reproduire l’existant, mais introduire la richesse de la diversité ?

Si  à Savoir et Savoir-Faire comparables, les femmes accèdent difficilement aux postes clés, la différence se fait-elle sur le Savoir-Etre et le Faire-Savoir ?

Laurence Thomazeau

Pourquoi ce sujet ? Plusieurs études montrent une meilleure performance des équipes mixtes, les femmes sont par ailleurs largement présentes avec un même taux de réussite que les hommes dans toutes les formations supérieures, elles représentent un vivier disponible, notamment pour compenser les départs en retraite actuels… Néanmoins, à performances similaires, leurs trajectoires dans l’entreprise sont moins évolutives que celles des hommes malgré certaines politiques volontaristes de promotion de la mixité : l’avantage invisible deviendrait-il un inconvénient visible en cours de carrière ?

Si donc à Savoir et Savoir-Faire comparables avec les hommes, les femmes accèdent plus difficilement aux postes clés, la différence se fait-elle sur le Savoir-Etre et le Faire-Savoir ?

  • Sur le Faire-Savoir : très certainement, cet aspect de mise en visibilité est un point clé, qui passe entre autre par une démarche personnelle active des intéressées (via les réseaux) mais aussi des RH, managers…
  • Sur le Savoir-Etre ? Qu’est-ce qui distingue les femmes des hommes, dans leurs comportements, attitudes, expressions, réactions, donc dans l’image, au sens global du terme, qu’elles donnent, au point de ralentir leur évolution dans l’entreprise?

Partant du constat que « Image souhaitée par moi≠ image émise par moi ≠ image perçue par le manager, qui va la comparer à l’image qu’il se fait de la fonction », notre image souhaitée, pour converger vers celle de la fonction, passe forcément par la perception qu’a de nous le manager. Par conséquent, s’il ne pense pas à nous:

– soit il ne nous voit pas… ce qui nous renvoie aux aspects de mise en visibilité,

– soit il nous voit, mais notre image ne correspond pas à celle qu’il se fait du poste. Et alors quelle crédibilité avons-nous, aux yeux des managers, pour évoluer vers des postes clé ?

Or, la Crédibilité selon Deborah Tannen est faite de  40% d’expression + 50% d’apparence + 10% de contenu, soit 90% de forme et 10% de fond !!!

Destinataires :

– les femmes, premières concernées par leur intégration et leur évolution dans l’entreprise

– les managers, soucieux de gérer au mieux leur personnel féminin et donc leurs équipes mixtes

– les DRH, dans la perspective, entre autres, de définition de plan de formation

– et donc, in fine l’entreprise, dont l’efficacité et la performance reposent sur la qualité et la motivation de ses collaborateurs.

Voir maintenant l’outil pratique Décodons les codes dans La boîte à outils.Doubt

Quels sont les enjeux de la visibilité ?

 Marianne Le Huu

Il faut que tu saches que

  1. ton succès dépend de ta visibilité
  2. c’est un facteur de succès pour ta carrière
  3. plus ta visibilité est grande, plus viendront distinctions, récompenses, reconnaissances
  4. ta visibilité devient prépondérante dans ce monde Internet
  5. ta visibilité se manage comme ta carrière. C’est d’ailleurs devenu le réflexe des personnes qui gèrent leur carrière.

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Es-tu visible ? Du point de vue où nous sommes, « être visible » suppose que tu es remarquée par d’autres et que le « miroir » fonctionne de façon satisfaisante. Qui sont les autres ? Les autres sont les communautés avec lesquelles tu vis (ta famille, tes amis, tes enfants), avec lesquelles tu travailles (tes clients, tes collègues, tes managers, tes mentors, tes pairs). Quel est ce point de vue ? En fait, tu te vois avec les yeux des autres, mais aussi avec tes propres yeux. Ce miroir fonctionne donc avec des paramètres externes et internes. Toutefois l’image qu’il renvoit est globale. C’est un tout indissociable. Toutes les composantes y sont mêlées. Ces composantes se fondent sur du réel et du ressenti. D’une part, les faits ou les actes réalisés / entrepris et d’autre part les perceptions, telles que « elle a l’air intelligente, elle est très claire, elle est vraiment compétente!».

Quelques exemples de perceptions avec des citations raisonnables irraisonnées: Edgar Watson Howe dit : « Une femme modeste n’est admirée que si tout le monde entend parler d’elle ».

Mark Twain dit : « Les habits font le moine mais il est vrai que les personnes sans image ont peu d’influence sur la société ».

Ces exemples montrent d’une part que la modestie n’est palpable que dans un contexte où la visibilité est claire et reconnue. Et d’autre part que même si, dans le fond, tu es réellement excellente, alors il est important de te construire ton image pour assurer ta visibilité. Comment es-tu visible ?

Lou Gerstner, ancien président d’IBM disait qu’ « il y a 4 catégories de personnes dans l’entreprise :

  • ceux à qui les choses arrivent
  • ceux qui regardent les choses passer
  • ceux qui ne savent jamais que les choses arrivent
  • et puis surtout ceux qui font que les choses arrivent.

Ma confiance va à ceux qui sont dans cette dernière catégorie : ceux qui font que les choses arrivent ! »

Alors, soit de cette dernière catégorie : Promeus ton image. Oses, tu dois le faire pour toi. Cependant ton point de vue est important mais pas seulement, le point de vue des autres est aussi important pour appuyer ton image. Prends conscience du reflet dans le miroir. Un point sensible demeure : Comment te sens-tu avec ta visibilité?

Dudley a écrit : « Pour la plupart d’entre nous manager sa visibilité amène un déchirement profond entre son désir d’être visible et de rendre ses compétences visibles, et sa non moins grande réticence à apparaître immodeste».

Voici ma recommandation :

  • Saches que la peur existe, prends conscience de celle-ci.
  • Admets que tu la ressens.
  • Evalue ton potentiel de visibilité et met en place les quelques initiatives qui vont changer positivement ton gap de visibilité.

Y a-t-il des principes de la visibilité ? Oui, il y a des principes de la visibilité, mais c’est aussi une question d’équilibre entre trois axes indispensables : tes compétences, tes résultats, ta communication. Voici l’approche proposée :

  • établis tes objectifs à court et moyen termes de ta visibilité
  • établis un plan progressif avec une check-list
  • évalue régulièrement ta situation par rapport à ce plan progressif
  • réajuste tes objectifs au fur et à mesure

Fais-toi aider par ton mentor ou ton sponsor et bien sûr de ton manager. Vérifie que tes objectifs de visibilité correspondent au sens de ta carrière et trouve des catalyseurs indispensables : en général des étapes professionnelles telles que, par exemple, des certifications … N’oublie pas les indicateurs qui révèlent ta visibilité et garde la mémoire de tout ce qui est fait ou entrepris.

En conclusion Tu es actrice de ta visibilité, tu es garante de ton plan, de tes points de synchronisation avec tes mentors, sponsors, pairs, tu es garante de la mémoire de ta visibilité. Dans tous les cas ta démarche est pro-active. C’est une démarche gagnante/ gagnante.

Consulter le guide pratique de la visibilité professionnelle dans La boîte à outils