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Le harcèlement sexuel, et si on en parlait?

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« Oh ça va, c’est pas un viol!« entend-on parfois… Non, on ne se tait pas! Non, on ne se débrouille pas seule ! Contrairement à ce qu’affirmait récemment Christine Angot face à Sandrine Rousseau, victime d’agression! Les réseaux de femmes et d’hommes engagés pour l’égalité dans le monde du travail n’auraient-ils pas un rôle à jouer ? Quelle solidarité collective pourraient-ils créer qui aiderait à transformer ces situations ?

Il y a quelques jours France 2 consacrait une soirée à ce sujet avec ces chiffres glaçants : en France une femme sur 5 serait victime de harcèlement sexuel au travail, seules 5 % de ces femmes porteraient plainte et 95 % de ces dernières perdraient leur emploi !

Les femmes harcelées, qui témoignaient dans l’émission, exprimaient cette difficulté qu’on imagine sans peine : comment ensuite dans un entretien de recrutement expliquer son départ du dernier emploi ? « J’ai porté plainte contre mon patron » ? On comprend qu’elles n’osent pas porter plainte, d’autant plus que la question de la preuve amène à bien des classements sans suite de ces affaires.

Dans le débat qui suivait :

  • Jacques Toubon, Défenseur des Droits, invoquait la nécessité de faire évoluer la loi pour que les enregistrements soient reconnus comme preuve au civil, ce qui n’est pas encore le cas actuellement, contrairement au pénal.
  • Marie Hezé, psychanalyste et créatrice il y a 20 ans de la première consultation Souffrance et Travail, recommandait aux DRH et patrons une vigilance particulière face aux femmes en situation de vulnérabilité : les femmes seules avec des enfants.
  • Elle soulignait les traces traumatiques graves que ce harcèlement pouvait créer. Ce harcèlement que l’on banalise parfois en disant : « Oh ça va, c’est pas un viol ! ».

Le documentaire, réalisé par Andrea Rawlins-Gaston et Laurent Follea, montrait pourtant qu’il s’agit bien de violence, avec des conséquences lourdes sur la santé physique et psychique de ces femmes. Marie Hezé rappelait que l’entreprise est légalement responsable face à ces dégradations de la santé, mais aussi qu’aux yeux de la loi nous tou.te.s qui les entourons, sommes aussi tenu.e.s d’intervenir.

Les femmes harcelées se croient seules dans leur cas et ne voient pas à qui s’en ouvrir, une fois qu’elles ont identifié qu’il s’agit de harcèlement sexuel, ce qui prend parfois quelque temps. Jusqu’au jour où… elles découvriront qu’il y en a eu d’autres, avant ou en même temps qu’elles, que d’autres étaient au courant, mais pensaient : « Ce n’est pas mes affaires ».

Sachons d’abord de quoi nous parlons. On entend en effet « Mais alors on ne peut plus draguer au bureau », « On va tuer la séduction » et on fait remarquer fort justement que 35% des couples se rencontrent sur leur lieu de travail.

  • Or ce n’est pas de la « séduction ». La séduction implique une réciprocité, du respect, du plaisir.
  • Le but du harceleur n’est pas de séduire. C’est un rapport de domination dans lequel les femmes se sentent devenir « un bout de viande ».
  • Le harcèlement sexuel se caractérise par la répétition, le non-consentement.
  • Cependant un acte isolé recherchant un acte de nature sexuelle, quand il exerce une pression grave, comme cela peut être le cas de la part d’un hiérarchique, est selon la loi du harcèlement sexuel.
  • Des propositions sexuelles qui se répètent entre collègues de même niveau hiérarchique sont aussi considérées comme harcèlement sexuel, si il y a eu refus.
  • Donc les « lourdauds », les « dragueurs lourds » dans la bonne tradition gauloise peuvent être considérés par la loi comme des harceleurs. Il faut le savoir et savoir le dire ! C’est là que l’entourage professionnel immédiat a un rôle à jouer.
  • De même dans ce qui est maintenant appelé par la jurisprudence du « harcèlement d’ambiance ». Il s’agit des propos à connotation sexuelle qui créent une ambiance de travail insupportable, dégradée.

On rencontre ce type d’ambiance dans des milieux traditionnellement « réservés aux hommes », lycées professionnels, écoles d’ingénieur, salles de garde d’hôpital, armée, mais aussi en entreprise. C’est une façon de reprendre le pouvoir en remettant les femmes à leur place d’objet sexuel. Les femmes sont censées trouver cela drôle, faire preuve d’humour, ne pas « jouer les coincées » pour se faire accepter dans ces lieux où elles arrivent en intruses. Soyons « coincées », ne l’acceptons pas et commençons par nommer les actes : c’est du harcèlement sexuel puni par la loi !

N’oublions pas non plus le 3919 « Violences Femmes info ». Depuis le 1er  janvier 2014, il est le numéro national de référence d’écoute téléphonique et d’orientation à destination des femmes victimes de violences. Anonyme, accessible, gratuit depuis un poste fixe ou mobile en métropole, comme dans les départements d’outre-mer, ce numéro national garantit une écoute, une information, et, en fonction des demandes, une orientation adaptée vers les dispositifs locaux d’accompagnement et de prise en charge.

Ouvert 7 jours sur 7, du lundi au vendredi de 9 heures à 22 heures, les samedis, dimanches et jours fériés de 9 heures à 18 heures.

Laurence Dejouany, le 15  septembre 2017

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