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DANS LE CERVEAU DES MAMANS

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Pendant la grossesse le cerveau des femmes se transforme progressivement au point d’y laisser des traces à vie. C’est un tout nouveau champ de recherches que nous allons vous présenter ici.

Si la grossesse est une tempête pour le cerveau de la mère, qu’en est-il de l’accouchement ? Que se passe-t-il dans le cerveau des femmes pendant la naissance ? Et comment le cerveau se ré-adapte-t-il à ce nouveau corps ? Sans bébé à l’intérieur ?

Aujourd’hui la dépression périnatale concerne 100 000 femmes par an et touche, en France, 1 femme sur 5 dans l’année qui suit l’accouchement, alors que seulement 25% d’entre elles accèdent aux soins.

Article de  Laurence Dejouany pour le groupe Femmes et Santé

« Dans le cerveau des mamans », c’est le titre d’un livre publié aux Editions du Rocher, écrit par Hugo Bottemane et Lucy Jolie, tous deux psychiatres et chercheurs à Sorbonne Université – Faculté de médecine Paris-Saclay. Ils y décrivent le tissage des liens affectifs entre une mère et son enfant comme l’un des mystères les plus fantastiques de notre cerveau.

 

Zoé Varier de France Radio a rencontré Hugo Bottemanne, psychiatre et philosophe. On parle beaucoup du corps de la femme enceinte, mais on oublie trop souvent son cerveau. Pourtant, si le corps des femmes est modifié en profondeur pendant la grossesse, leur cerveau l’est aussi. Que se passe-t-il dans le cerveau des femmes pendant la grossesse ? De quelle manière le cerveau se transforme-t-il ?

 

Hugo Bottemanne espère que dans les années à venir, la périnatalité profitera davantage des découvertes en sciences cognitives et aidera par exemple les femmes qui éprouvent un grand moment de fragilité psychique quand elles allaitent. On sait aujourd’hui que les zones de matières grises associées à l’empathie subissent pendant la grossesse une transformation. Le cerveau de la mère se calibre pour devenir hypersensible à tout ce qui touche de près ou de loin aux bébés, à tous les bébés. Pour en savoir plus, écoutez l’épisode Episode 7/10 de Naitre https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/in-utero/in-utero-2489988

 

  • « Qu’est-ce qui se joue sur la table de l’accouchement ? » Cet autre podcast toujours réalisé par Zoé Varier pour Radio France interroge Chantal Birman, que nous connaissons bien dans le Cercle InterL et qui fut sage-femme pendant 50 ans.

 

 

De façon bouleversante Chantal Birman nous raconte qu’il faut mourir à soi-même pour donner la vie. Comment accompagner ce grand chambardement ? Quels mots pour dire ce que traverse chaque femme à ce moment-là ? Et que jamais aucune n’oubliera ? On ne nait pas mère, on le devient. Il faut que les femmes s’approprient leur accouchement.

Tout est convoqué à ce moment-là : ce qui est su, ce qui est tu, toutes les violences vécues, l’abandon. C’est là que la dépression peut démarrer. Ca se joue aussi dans la préparation avec la sage-femme. Et contrairement à ceux qui prétendent tout savoir de ce qu’une femme doit vivre pour être une femme, elle se réjouit de l’existence de la péridurale ! Pour en savoir plus, écoutez l’épisode 9/10 de Naitre

 https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/in-utero/in-utero-8901766 

 

 

Chantal Birman a été 50 ans sage-femme et le sujet d’un film « A la vie ». Elle prépare actuellement un livre qui abordera ce sujet. Son point de vue nous parait particulièrement pertinent.

« La grossesse comme l’accouchement sont des événements exclusivement féminins, c’est pourquoi il est essentiel d’être accompagnée par une sage-femme.

La péridurale est une bonne chose, elle a supprimé la douleur traumatique de l’accouchement qui pouvait avoir des conséquences sur la relation à l’enfant, comme dans le couple. Par contre en France la politique de tarification à l’acte a multiplié le nombre d’accouchements par sage-femme. La péridurale est alors devenue nécessaire au suivi dans les salles d’accouchement de plusieurs femmes. Ce n’est donc plus devenu un traitement de la douleur, mais un traitement du manque de personnel.
L’accouchement signe pour la femme une mort à elle-même, puisque par lui elle passe de la première à la deuxième génération (à distance ce sera aussi le passage à la troisième génération pour les grands-parents). C’est un passage délicat et essentiel. Avec la péridurale la femme a le corps anesthésié, mais pas la tête.

La sage-femme peut aider à faire ce lien important, parce que c’est là que peut s’ancrer la dépression. Elle a fait la préparation à l’accouchement, ensuite elle sait faire l’aller-retour du psychique au physique. Elle peut ainsi faire un diagnostic et prévenir éventuellement le spécialiste du psychisme qui est dans le traitement.
C’est la sage-femme aussi qui aide à la mise en place de l’allaitement et à sa surveillance. S’il est fréquent qu’une femme dise son impuissance à consoler son bébé, la sage-femme doit faire la différence dans ce constat fait par la femme entre une demande de conseil et une terreur devant une relation à l’enfant impossible. Savoir la terreur d’être une mauvaise mère est le tabou fondateur d’une dépression du post-partum.

Les grands-mères
La consolation face au changement de génération, au sang de l’accouchement, aux déchirures, au ventre vide, au deuil du bébé imaginaire, nécessite un regard de tendresse maternante. Les grands-mères doivent être préparées à cela (l’Espagne prévoit deux cours de préparation à la grande-maternité). Elles doivent apprendre à consoler discrètement leur fille, pas à devenir la mère du bébé. Cela suppose pour la grand-mère :

  • Qu’elle aide sa fille à se nourrir pour nourrir son bébé.
  • Qu’elle lui permette de dormir.
  • Qu’elle fasse le ménage quand sa fille est sous la douche, par exemple.
  • Qu’elle s’occupe de l’aîné, sans lui parler du bébé. Et même le sortir beaucoup pour qu’il ne soit pas dans ce confinement avec le bébé.
  • Que l’école soit prévenue pour que ce soit elle qui l’accompagne et vienne le chercher.
  • Qu’elle permette au couple de se retrouver.

Mais encore faut-il que la grand-mère ne travaille pas… Si c’est le cas, il faudrait envisager un mi-temps pendant le premier mois et une préparation. Il faut être particulièrement vigilante aux femmes qui ne peuvent pas compter sur la présence de leur mère, qu’elle soit morte ou défaillante. Une autre femme peut la remplacer. Il faut y penser pendant la grossesse.  Il faudrait former des femmes à cet accompagnement et les rémunérer.

Le père
C’est un moment difficile pour les hommes, car leur femme leur adresse des demandes maternantes auxquelles ils ne peuvent pas répondre. Ils se retrouvent alors en situation d’impuissance. Comme sa femme, le père a changé de génération. Il est aussi présent à l’accouchement dans une situation d’attente et d’impuissance. Il peut avoir une facilité relationnelle avec son bébé, c’est souvent le cas, le comprendre bien. Mais le tabou des blessures des hommes à cette période est peut être encore plus fort que pour les femmes. Le dévoilement de ce tabou est d’autant plus difficile que ce n’est pas arrivé dans leur corps. Les hommes se sentent dénarcissisés dans la naissance : la puissance est du côté de la femme. Ils peuvent chercher une consolation, une réassurance à l’extérieur. Sur le plan social il est d’ailleurs courant qu’une promotion dans leur travail accompagne la paternité. Mais ces temps d’investissement sociaux sont autant de temps amputés aux temps familiaux. La conséquence pour les femmes est alors l’augmentation de la charge mentale.  »

« J’avais peur de la douleur de l’accouchement, j’avais peur d’être déchirée en deux. Je me voyais hurler, souffrir. J’imaginais ça comme l’épreuve d’une vie. Mon accouchement n’a pas été un sujet. 9h de travail, voie basse sous péridurale,  3 poussées sans douleur. Point. Trop simple, trop banal, trop bizarre.

C’est après que ça a dérapé. C’est après que le cauchemar a pris vie et que je me suis retrouvée au bord du gouffre. Cet après complètement impensé, complètement un non sujet devenu THE sujet. Je suis passée du soulagement à l’effroi. »

« La dépression du post-partum touche 1 femme sur 5 après l’accouchement. Le suicide est la première cause de mortalité maternelle dans l’année qui suit l’accouchement » nous dit Lucie Joly. Psychiatre et auteure avec Hugo Bottemane de l’ouvrage « Dans le cerveau des mamans » qui s’appuie sur les neurosciences, elle est praticien hospitalier à Sorbonne Université AP-HP, ainsi que responsable de la psychiatrie périnatale dans les hôpitaux Saint-Antoine, Pitié-Salpêtrière, Tenon et Trousseau à Paris.

Elle précise qu’une femme en post-partum se suicide toutes les 3 semaines et que ces suicides ont quasi systématiquement des modes opératoires violents : pendaison, précipitation sous train ou pont, défenestration. Il lui semble que 79% de ces suicides seraient « probablement » évitables, dans 58% des cas le traitement médicamenteux ou la prise en charge étaient
inadaptés.

Le site Santé Publique France donne comme première cause de décès, du début de la grossesse à 42 jours après la naissance, les problèmes cardiovasculaires. Mais du début de la grossesse à un an après l’accouchement, c’est le suicide. On constate des inégalités qui majorent ce risque :
• L’âge de la mère, plus de 35 ans
• Les situations de migration
• Les femmes vulnérables
• La territorialité : DROM et TOM
On arrive ainsi, toutes causes confondues, à une mort tous les 4 jours…

Dépression anténatale

Des signaux pendant la grossesse peuvent déjà attirer l’attention sur une sensibilité dépressive qu’il ne faut pas négliger. En effet, entre 10 à 15 % des femmes sont touchées par la dépression pendant la grossesse. Elle échappe aux regards des professionnels et de l’entourage, les manifestations de ce trouble étant souvent confondues avec celles de la grossesse. Cette dépression n’est pas anodine et peut avoir un impact sur les paramètres obstétricaux. Ces troubles dépressifs peuvent aussi perturber le développement du système nerveux du bébé à naître. Cette dépression constitue le prélude de la tempête de la dépression du post-partum si elle n’est pas bien prise en charge.

Le baby-blues

Tout le monde a entendu parler du baby-blues, qui apparait bien souvent le 2ème ou 3ème jour après l’accouchement. On l’attribue à la brusque chute d’une hormone qui avait pu donner à la femme un sentiment de plénitude au 3ème trimestre de sa grossesse. Il touche 60 à 80 % des femmes et disparait normalement à la fin de la semaine. La fatigue et à la solitude du retour à la maison peuvent l’amplifier. Les mères peuvent se demander si elles vont être capables de s’occuper de ce bébé qui pleure. La vulnérabilité et la dépendance absolue du nouveau-né peuvent aussi être inquiétantes.

En 2020, des militantes féministes ont lancé sur Twitter le #MonPostPartum.  Les témoignages sont crus et explicites, allant par exemple de la sensation que « les urines brûlent » ou que « les vagins sont comme des plaies » racontent-elles. « C’est un peu l’envers du décor de la joie normée de la maternité » ajoute Sylvie Joly.

Ce syndrome peut donc inquiéter les femmes qui craignent une dépression du post-partum et amplifient ainsi les symptômes du baby-blues. Mais cet état d’hypersensibilité émotionnelle et de troubles du sommeil n’est pas considéré comme pathologique. Sans être inquiétant, il doit néanmoins faire l’objet de sollicitude et de soutien moral de la part de l’entourage.

Lucie Joly cite l’exemple des pays scandinaves où les femmes sortent très rapidement de la maternité, mais accompagnées par une assistante maternelle et une sage-femme qui les aident à apprendre les soins primaires à donner au bébé et à s’organiser dans les tâches ménagères. Cela constitue un moyen efficace de limiter la souffrance du baby-blues,
d’empêcher son évolution vers une dépression du post-partum.

Les femmes peuvent aussi trouver un soutien dans des échanges avec d’autres femmes vivant cette expérience du post-partum. C’est le cas de ce compte Instagram : Postpartum Plus Solidaire (@inmamas_wetrust) ,le réseau d’entraide entre jeunes mamans pour un post-partum plus doux. Par contre, si le baby-blues persiste plus de 15 jours, c’est peut-être l’entrée dans la dépression du post-partum et là il faut réagir.

Dépression du post-partum

« L’impression soudaine d’être tombée dans un piège nous assaillent et d’étranges pensées commencent à germer dans notre tête en même temps que la fatigue physique s’accumule » raconte Lucie Joly.

Le sujet est grave et doit être pris en considération. Les mères n’osent bien souvent pas dire ce qu’elles ressentent, honteuses ou coupables de ne pas se réjouir de la naissance de leur enfant, parfois même ne ressentant aucun amour pour lui. Quand elles ne sont pas sujettes à des phobies d’impulsion : « s’en débarrasser », hautement perturbantes.

Les causes de cette dépression sont encore mal connues, des facteurs environnementaux, hormonaux et chimiques peuvent impacter le fonctionnement cérébral.

Il est important d’informer sur ce qu’est la dépression post-partum mais il est tout aussi important d’expliquer qu’il existe des ressources et des aides pour s’en sortir (car oui on s’en sort !) et surtout de permettre aux mères (et futures mères), mais aussi à l’entourage, de les identifier facilement, c’est ce que vous explique cet autre compte :  www.mal-de-meres.com pour en savoir plus.

Voici les témoignages que vous y trouverez :

« (…) ce brouillard, ce flou magistral, souvent quand mon mari me dit « tu te rappelles ?», je lui réponds que non, que de sa première année je n’ai guère de souvenirs, quelques photos et vidéos qu’il a fait, mais que mon esprit en m’épargnant les souvenirs douloureux m’a volé la première année de mon bébé »,

« Quand ma fille portait ces petits chaussons, il y a presque 6 ans, j’étais en vrac. Une mère à la dérive, prisonnière de sa tristesse, au cœur de l’ouragan dépression post-partum. Je les avais choisi avec soin ces petits chaussons. J’imaginais mon bébé avec et moi m’extasiant devant cette scène adorable. Parfois quand je regarde en arrière j’ai un goût un peu amer. Un
sentiment de moments volés, une sensation de ne pas avoir pu vivre une « normalité ». Je sais qu’elle a eu ces petits chaussons aux pieds car j’ai des photos mais dans ma tête rien ne s’est imprimé. Le flou s’est accroché et a transformé nombre de mes souvenirs en brouillard. Zone sinistrée, ne pas entrer.»

« Je l’ai vécu avec ma première elle a maintenant 3 ans et demie et il a fallu que je fasse plusieurs tentatives pour enfin voir un psychiatre qui m’a indiqué que j’étais atteinte du trouble bipolaire qui donne souvent une dépression post-partum, enceinte de bb2 et très suivie dès l’accouchement pour ne pas replonger comme la première fois ! N’hésitez pas à consulter ça sauve des vies ! »

Ce site vous donne aussi des conseils :

« La prise en charge de la dépression post-partum ne suit pas de schéma tout tracé bien spécifique. Non, car l’accompagnement adapté est avant tout celui qui vous convient à vous et qui vous aide réellement. En fonction aussi du degré de dépression post-partum, le soin proposé ne sera pas le même.

Il se peut également que l’accompagnement choisi évolue au fil du temps, au fil de vos besoins et de ce qui vous fait du bien et c’est totalement OK. Par exemple, on peut avoir simplement besoin de relais au début et d’échanger au sein d’un groupe de parole sur ce que l’on traverse puis souhaiter entamer une thérapie dans un second temps. L’important reste de pouvoir se livrer pour avancer vers le mieux-être et de choisir des professionnels ou des structures en qui l’on a confiance et qui sont de véritables soutiens.

Les associations, applications et services divers cités dans ce post le sont surtout à titre d’exemples (sauf pour   association.maman.blues qui est incontournable sur le sujet) et il en existe encore bien d’autres que je vous invite d’ailleurs vivement à partager en commentaires ».

Mais surtout vous disent-elles : « Vous n’avez pas à rester seule face à la dépression post-partum, vous méritez que l’on vous accompagne pour vous en sortir et surtout ceci est nécessaire pour guérir pleinement. De l’aide existe et vous avez le droit de la saisir » :

Les professionnels de première ligne (ceux que l’on est susceptible de voir le plus souvent)

• Sages-femmes
• Gynécologue / Médecin traitant
• Pédiatres
• Puéricultrices / infirmières /AP
• Kiné
• Ostéopathe

En parler est la première étape vers le mieux-être et pouvoir avoir confiance en le professionnel qui vous accompagne est primordial.

Professionnels du champ psychique (en libéral ou structure hospitalière ou autre…)

• Psychologue
• Psychiatre : il est le seul avec le médecin traitant à pouvoir poser un diagnostic et prescrire si nécessaire un traitement médicamenteux.

Les structures de soutien à la parentalité

• La PMI (Protection maternelle et infantile) : service public gratuit pluridisciplinaire médico-social de soins, de suivi et d’accompagnement des parents et de l’enfant de moins de 6 ans. Vous pouvez aussi y trouver du soutien et de l’aide.
• Le LAPE (lieu d’accueil parents-enfant) : un espace d’accueil ouvert à tous et gratuit pensé pour les parents et les enfants, géré par des accueillants formés (souvent des psychologues) pour échanger, trouver une écoute, avoir des conseils et du soutien.
C’est une véritable ressource pour créer du lien entre parents et rompre la solitude. Des activités et ateliers y sont régulièrement proposés.

Les structures de soin

Les unités mère-bébé (UMB) : en hospitalisation à plein temps ou en hôpital de jour,
ces unités permettent une prise en soin globale de la diade mère-enfant (et notamment
l’accompagnement du lien) avec une équipe pluridisciplinaire. Il existe aussi des
équipes de psychiatrie périnatale mobiles qui se déplacent à domicile. Une
hospitalisation de la mère en service de psychiatrie peut aussi être possible dans des
formes sévères.

Les numéros d’appel :

• Allo parents bébé : numéro vert 0800 00 3456 du lundi au vendredi en journée,
psychologues formés
• SOS Parentalité : 09 86 87 32 62
• Numéro national de prévention du suicide : 3114, 7j/7, 24/24