La santé et les femmes

 

Atelier de la journée InterElles du 8 mars 2002, animé par Danielle Pozza, directrice des plateaux médico-techniques à l’Hôpital Américain de Paris, avec l’appui du Dr. Oughourlian, neuro-psychiatre, et du Dr Beressi, endocrinologue à l’Espace Diagnostic Santé.

La santé constitue un véritable enjeu pour les entreprises, ne serait-ce qu’en raison des problèmes organisationnels générés par l’absentéisme. Certains risques pathologiques concernent tout particulièrement les femmes. Il est donc intéressant de s’interroger sur la manière pour l’entreprise de participer à une action de prévention auprès de ses salariées. La position de la femme dans la société et dans le monde du travail, cette double vie familiale et professionnelle qu’elle doit assumer, incite également à réfléchir au problème du stress, à ses implications et à la façon de le gérer.

 Le stress pour tous

Quels sont les constats, les éléments de réponse et quel rôle peut jouer l’entreprise, face à cette situation ? Les hommes ne sont pas plus épargnés que les femmes par le stress professionnel, dont les facteurs sont identiques pour les hommes et les femmes.

Il existe deux catégories de stress, le positif et le négatif. Le stress positif est une source de dynamisme, lié à la sécrétion de l’adrénaline. En revanche, le négatif est le résultat d’une déchirure entre deux exigences contradictoires et génère surmenage et inhibition.

Quand les problèmes personnels rejaillissent sur la vie professionnelle, la personne a tendance à sauver le travail et l’image qu’elle donne, au détriment de sa vie personnelle. Au sein de l’entreprise le stress a considérablement augmenté. Il est très souvent dû:

  • à l’incertitude concernant la charge de travail de la journée ;
  • à la pression du temps : c’est de la responsabilité du manager de faire respecter des horaires qui n’empiètent pas sur la vie familiale ;
  • au fait de devoir « déléguer » pour les managers.

Le docteur Oughourlian cite, à cet effet, une expérience : « Deux singes sont dans une cage ; l’un reçoit des décharges électriques, l’autre les distribue.  Les dégâts liés au stress seront plus forts sur le singe responsable des décharges électriques ».

La femme, le stress et la rivalité

Par contre la femme est exposée à des sources supplémentaires de stress. Les causes en sont la gestion de la rivalité. La rivalité est moins bien supportée chez la femme que chez l’homme. Le docteur Oughourlian  souligne : « Il ne faut pas penser que les rivaux sont des hommes, ce sont souvent des femmes ».

D’autres causes sont liées à la gestion sociologique de la double vie au travail et à la maison, à la gestion psychologique, par exemple la culpabilité d’aller travailler quand son enfant est malade. Enfin la gestion psychosomatique intervient de façon spécifique : l’évolution hormonale de la femme peut interférer avec sa capacité de supporter le stress.

Face au stress les hommes tombent directement dans la maladie psychosomatique, tandis que les femmes manifestent des cris d’alarme émotionnels bien avant. On citera les boules dans la gorge, dans l’estomac, les fourmillements aux extrémités,  les douleurs du dos, l’insomnie et la migraine. En bout de course, on peut rentrer dans la dépression ou une pathologie psychosomatique, telle que l’asthme ou le psoriasis.

Quelle prévention au sein de l’entreprise?

 Certaines mesures relèvent de l’entreprise et des managers. Il s’agit de préserver une harmonie au sein de l’entreprise. Cela contribue d’ailleurs, il faut le souligner, à optimiser le rendement. En effet, trop de stress fait baisser l’immunité et génère un absentéisme plus important. Les managers doivent être formés « à l’exercice du pouvoir » ou plutôt « de l’influence », qui est la capacité à organiser. Ils doivent aussi être sensibilisés au problème de la rivalité au sein de l’entreprise et aussi prendre conscience du rôle que peut jouer l’entreprise, quand un salarié, souffrant de pathologie grave, continue de travailler. IBM dispose de modules de gestion de conflit et de stress.

Certaines entreprises proposent à leurs salariés des bilans de santé, à l’hôpital américain, par exemple. Celui-ci propose des bilans spécifiques aux femmes. En France, ces bilans sont, le plus souvent, réservés aux cadres dirigeants, car ils sont très coûteux. Ils sont considérés comme des avantages. Aux Etats-Unis ou au Japon, ces bilans sont beaucoup plus largement répandus.

L’importance du suivi médical soulève la question de la mission de la médecine du travail. En effet, celle-ci semble se contenter trop souvent des examens sommaires d’usage pour déclarer le salarié apte ou inapte au travail et son rôle dans la prévention paraît limité.

Or les femmes sont exposées à des pathologies spécifiques que la médecine du travail traditionnelle ne prend pas en compte. Le docteur Beressi cite l’importance pour la femme de la détection précoce dans le cancer du sein par mammographie, le cancer de l’ovaire, assez rare, appelé « le tueur silencieux » par échographie pelvienne, ou le cancer recto-colique, dont la détection est pourtant très simple. Cette pathologie est la plus fréquente chez les femmes, après le cancer du sein. Les femmes sont aussi plus atteintes que les hommes par l’arthrose et par l’ostéoporose. La surcharge pondérale est un facteur aggravant pour bien des pathologies.

Apprendre à dire non

Quand le stress est déjà installé, il faut dans un premier temps procéder à l’identification des symptômes du stress, psychologiques ou physiologiques, ainsi qu’à l’identification des causes, professionnelles ou personnelles. Il est d’ailleurs assez difficile de faire la part des choses entre les difficultés professionnelles et personnelles. Le docteur Oughourlian dit : « Il faut analyser la cause de qui vous souffrez »

Dans une seconde étape, il s’agit d’aider la personne à supprimer ce qui aggrave le stress, tabac, alcool, ou abus de tranquillisants. Les femmes ont plus souvent recours aux médicaments que les hommes. Il faut encourager la personne à entreprendre si nécessaire une psychothérapie qui éclairera les causes de stress, comme les processus rivaux qu’il faut démystifier. On peut aussi encourager les dérivatifs, comme le sport, le yoga et la relaxation, qui demandent un peu de temps. Il faut trouver le traitement adapté, des médicaments peuvent être prescrits.

La femme est la garante de la santé de la famille. C’est sur elle aussi que repose la prévention. L’entreprise pourrait s’impliquer davantage en proposant sur son réseau Intranet, par exemple, des informations diverses sur les risques, l’importance des bilans réguliers, l’actualité médicale, etc. En tout état de cause, les femmes doivent apprendre à dire non pour pouvoir concilier de manière harmonieuse leur vie professionnelle et leur vie familiale.